lundi 18 janvier 2010

La légalité d'un nouveau permis au regard d'une construction existante non conforme

Le fait qu'une construction existante n'est pas conforme une à une disposition d'un plan d'occupation des sols ne s'oppose pas forcément à la délivrance d'une nouveau permis.

En effet, par cet arrêt du 9 juillet 2008, le Conseil d'État précise que lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une disposition d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé, cette circonstance ne s'oppose pas à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues

Par ailleurs, la haute juridiction ajoute que "dans l'hypothèse où le permis de construire est relatif à une partie d'un ouvrage indivisible, il y a lieu d'apprécier cette meilleure conformité en tenant compte de l'ensemble de l'ouvrage"

Il s'agissait en l'espèce de 15 pylones d'une ligne électrique installés en 1959 que le Conseil d'État qualifie d'ouvrage indivisible par nature. Ils se trouvaient en contrariété avec la servitude de reculement rendue applicable sur la voie publique par un article du POS approuvé en 1992 : le projet consistant à aménager le pylône n° RD 22 en pylône aérosouterrain avait pour objet l'enfouissement des quatorze autres pylônes ; que si cet enfouissement n'était pas inclus dans le permis de construire parce qu'il ne nécessitait pas d'autorisation, il faisait partie du même aménagement de l'ouvrage ; que, par suite, en jugeant que la conformité à l'article UG 6 du plan d'occupation des sols devait s'apprécier au regard du seul pylône n° RD 22, sans tenir compte des modifications apportées à l'ensemble de l'ouvrage constitué par la ligne électrique, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit

lundi 11 janvier 2010

Dernières jurisprudences en droit des contrats administratifs

Je voudrais souligner ici deux jurisprudences importantes touchant le droit des contrats administratifs, et plus exactement leur formation.

La première, le Conseil d'État décide par un arrêt d'assemblée (formation la plus solennelle de la haute assemblée) en date du 28 décembre dernier que

Considérant, en premier lieu, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;

Considérant, en second lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l' exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;


En l'espèce, le Conseil d'État n'hésite pas à remettre en cause la solution retenue en 1996 par sa formation consultative à propos des conséquences à tirer par la signature d'un contrat avant la date à laquelle la délibération autorisant l'autorité territoriale à le signer n'a été rendu exécutoire par sa transmission au contrôle de légalité. On peut comprendre le soucis du Conseil d'État de faire prévaloir le soucis de loyauté dans les relations contractuelles et leur stabilité , c'est à dire la sécurité juridique et la force obligatoire des contrats, mais il faut reconnaître qu'il s'affranchit quelque peu de la lettre du code général des collectivités territoriales. Néanmoins, ce louable soucis se paye d'un accroissement de...l'insécurité juridique. Car il sera de plus en plus difficile à l'administration et à ses partenaires de déterminer avec certitude quel type d'irrégularité pourra entraîner la nullité du contrat.

Le défaut d'information des candidats à une DSP sur les critères de choix peut elle entraîner la nullité du contrat par exemple ? Ce n'est pas à cette question qu'a répondu le Conseil d'État par un autre arrêt du 23 décembre. Il s'agissait en effet d'un référé précontractuel introduit par un candidat malheureux à une délégation de service public avant donc que la convention ne soit signée (puisque le juge des référés précontractuel se déclare incompétent quand la convention est signée). Dans cette espèce, le Conseil d'État étend les obligations de transparence qui pèse sur les collectivités délégante, donnant plein effet principes généraux du droit de la commande publique que sont le liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Ainsi, il contribue au rapprochement des régimes des marchés publics et des délégations de service public et fait croire que l'évolution de sa jurisprudence ne doit rien au droit communautaire, malgré l'évidence :

Considérant, en deuxième lieu, que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ; que, pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres ; que la circonstance que les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques prévoient seulement que, après avoir dressé la liste des candidats admis à présenter une offre, la collectivité publique adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager , est sans incidence sur l'obligation d'informer également ces candidats des critères de sélection de leurs offres ; que, toutefois, les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 prévoyant que la personne publique négocie librement les offres avant de choisir, au terme de cette négociation, le délégataire, elle n'est pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en œuvre de ces critères ; qu'elle choisit le délégataire, après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en œuvre préalablement déterminées ; que ces règles s'imposent à l'ensemble des délégations de service public, qu'elles entrent ou non dans le champ du droit communautaire ; qu'ainsi, le juge des référés ayant qualifié la convention litigieuse de délégation de service public, il n'a pas commis d'erreur de droit en annulant la procédure de passation au motif que l'absence d'information des candidats sur les critères de sélection des offres, avant le dépôt de celles-ci, était constitutif d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

mardi 5 janvier 2010

La résiliation de la fourniture de 50 millions de doses de vaccin

Si nous en croyons Le Monde.fr dans cet article, le gouvernement s'apprêterait à résilier 50 millions de doses de vaccin sur les 94 millions qu'il a commandé aux laboratoires pharmaceutiques. Le calibrage des commandes avaient été effectué sur la base d'une vaste campagne de vaccination de la population avec possibilité d'injection de deux doses par personnes vaccinées. Le virus de la grippe H1N1 s'avérant pour le moment moins virulent que prévu, les autorités françaises se retrouvent avec des doses de vaccin dépassant largement les besoin, créant d'ailleurs un début de polémique. Cette résiliation partielle de la commande initiale génèrerait une économie de plus de 350 millions d'Euros. Pas négligeable en soit, mais une goutte d'eau dans l'accumulation préoccupante des déficits publics. En effet, selon L'INSEE, la dette publique brute s’établit à 1 457,4 Mds€ (lire l'article sur le site de l'institut, ainsi que celui de Laurent Mauduit, dans Médiapart).

"Ces commandes n'avaient été ni livrées ni payées, elles sont donc résiliées", selon Mme Bachelot. Mais tout cela est un peu cavalier et ne répond pas aux exigences juridiques car les cocontractants de l'administration ont tout de même des droits à faire valoir. la réalité risque donc d'être différente de celle qu'affirme la ministre. Mais quelles sont le possibilités de résiliation à la disposition des pouvoirs publics. En droit administratif, qui concerne les administrations dans les relations avec les particuliers, personnes physiques et personnes morales, il en existe 3. Écartons d'emblée l'hypothèse de la résiliation pour faute. Aucune faute contractuelle ne peut être reprochée aux laboratoires dans la livraison des doses de vaccin ou dans les vaccins eux-mêmes. Restent donc les hypothèses de la résiliation unilatérale et de la résiliation amiable.

La résiliation unilatérale constitue une prérogative de puissance publique à la disposition de l'administration dans tout contrat administratif. Même si elle n'y est pas expressément habilitée dans le contrat qui la lie avec son cocontractant, l'administration peut mettre unilatéralement fin au contrat pour tout motif d'intérêt général. En l'espèce, nous somme bien en présence d'un contrat administratif. En effet, la commande de doses de vaccins par l'État pour des motifs de santé publique constitue un marché public de fournitures. Selon l'article 2 du code des marchés publics "les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services". Et l'État est bien entendu un "pouvoir adjudicateur". Enfin, les marchés publics constituent des contrats administratifs par détermination de la loi. Cependant, étant donné qu'aucune faute ne peut être reprochée aux laboratoire, cette résiliation leur ouvre droit en principe à l'indemnisation du préjudice qu'ils pourraient subir de cette résiliation. Dans ce cas, le préjudice est constitué par le bénéfice dont ils seraient privés par cette résiliation ainsi que le coût de la production des vaccins. Cela étant, si la résiliation leur permet de revendre les doses surnuméraires à d'autres pays au même prix, le préjudice serait alors réduit, voire même, inexistant.

Les pouvoirs publics peuvent aussi s'engager dans la voie de la résiliation amiable. Dans ce cas, la résiliation prend la forme d'un avenant au contrat initial, qui réduirait alors la voilure. C'est l'hypothèse la plus favorable pour l'administration, car elle élimine tout risque contentieux du fait de la résiliation elle-même. Toutefois, l'avenant devrait en principe régler le sort d'éventuels préjudices, et de leur indemnisation. Sinon, il s'agirait, pour les laboratoires, d'un abandon de créances. Et selon les cas, les abandons de créances peuvent être qualifiés d'actes anormal de gestion, et taxés comme tels, voire, comme un abus de bien social. Hypothèse peu vraisemblable tout de même, dans la mesure où on peut considérer que les laboratoires, qui ont des liens étroits avec les pouvoirs publics, ont intérêt à consentir des avantages au pouvoir public. L'abandon de créance hypothétique devrait donc pouvoir aisément entrer dans l'objet social des entreprises concernées.

Cependant, en tout état de cause, il paraît tout de même prématuré voir périlleux d'affirmer qu'une économie de 350 millions d'euros va être réalisée du fait de la résiliation d'une partie des commandes de doses de vaccins. D'autant plus que les laboratoires semblent avoir appris cette résiliation en même temps que le public. Ainsi, si l'ont en croit laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), il se dit "prêt à rediscuter" avec le gouvernement français le contrat portant sur la livraison de ces 50 millions de doses de vaccin. "Dans le contexte actuel, s'il y avait une demande du gouvernement, nous sommes prêts bien sûr à rediscuter du contrat que nous avons signé ensemble". Et la laboratoire suisse Novartis indiquait pour sa part ne pas être "en phase de renégociations avec la France".

samedi 2 janvier 2010

Responsabilité en matière de police sanitaire

Une entreprise ne peut obtenir, ni sur le fondement de l'illégalité fautive, ni sur celui de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, la réparation des dommages commerciaux consécutifs aux mesures de police sanitaire prises par le ministre de l'agriculture en application d'une décision communautaire concernant l'État français, dès lors que ce dernier a compétence liée (CE 12 mai 2004 Société Gillot)

Selon Maryse Demergue, commentatrice de l'arrêt dans l'AJDA (n°27/2004 p 1492)
L'arrêt...montre finalement que le respect du droit communautaire par l'État français revêt tous les aspects d'une cause exonératoire de sa responsabilité et que l'absence de pouvoir discrétionnaire de l'administration dans la mise en application des mesures européennes de sécurité sanitaire, non seulement neutralise la responsabilité pour illégalité fautive, mais stérilise la responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Le paravent du droit communautaire autorise alors l'État français à octroyer aux producteurs lésés des réparations gracieuses...qui non seulement ne recouvrent pas l'intégralité des préjudices commerciaux subis, mais encore ne satisfont pas pleinement le besoin d'État de droit.


Solution pas vraiment étonnante, dans la mesure où l'administration n'a aucune marge de manœuvre et qu'elle est obligée de suivre la décision prise par les autorités communautaire et que seule la cour de justice est compétente pour constater l'illégalité de décisions prises par ses autorités. Toutefois, on peut se poser la question de sa cohérence avec l'ordonnance du 29 octobre 2003 aux termes de laquelle le Conseil d'État avait suspendu l'application d'un décret pris en vue de transposer une directive : un requérant a ainsi pu utilement invoquer, par voie d'exception, les vices dont la directive seraient elle-même entachée pour obtenir la suspension du décret en cause...