Sur requête de France Nature Environnement, à laquelle s’est jointe Alsace Nature, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le 30 septembre dernier la décision du ministre de l’agriculture d’autoriser l’INRA à réaliser un essai en plein champ d’OGM.
En application de la pratique de l’économie des moyens, qui lui permet de ne pas prendre position sur l’ensemble des moyens soulevés devant lui, le tribunal a retenu celui relatif à l’incompatibililité de la réglementation nationale par rapport au droit dérivé communautaire.
En effet, la décision querellée respectait apparemment le décret n°93-1177 du 18 octobre 1993 aux termes duquel « au terme de la dissémination autorisée, le responsable de celle-ci communique au ministre chargé de l’agriculture les résultats de cette dissémination en ce qui concerne les risques éventuels pour la santé publique et l’environnement. Il informe celui-ci des suites qu’il compte donner à ses recherches ». Ce libellé était le parfait de la directive 90/220/CEE du 23 avril 1990. Cependant, à la date de la décision attaquée, le droit communautaire dérivé avait évolué. Il met à la charge du responsable de l’autorisation des obligations d’information tout au court de la durée de l’autorisation.
C’est ainsi que l’article 10 de la directive 2001/18/CE dispose que « lorsque la dissémination est terminée et, ensuite, en respectant les intervalles de temps indiqués dans l’autorisation sur la base de l’évaluation des risques pour l’environnement, le notifiant envoie à l’autorité compétente les résultats de cette dissémination en ce qui concerne les risques éventuels pour la santé humaine ou l’environnement en indiquant, s’il y a lieu, les types de produit qu’il a l’intention de produire par la suite.
Cette directive devait être transposée le 17 octobre 2002. Force est de constater que le décret du 18 octobre n’avait pas été modifié pour prendre en compte les nouvelles exigences, claires et précises, de la directive. Si une directive li les États membres quant aux objectifs à atteindre et n’a point d’effet direct, le caractère impératif et précis de celle de 2001 ne laissait aucune place à l’interprétation. Elle ne se contentait pas de « reprendre l’article 8 de la directive 90/220/CEE mais (ajoutait) de nouvelles prescriptions. » Pour échapper à la censure, l’autorisation aurait du respecter les termes de la directive de 2001, c'est-à-dire prévoir qu’à intervalles réguliers qu’elle aurait fixés, le bénéficiaire informe le ministre des résultats de la dissémination sur la santé humaine ou l’environnement. En effet, une fois le délai de transposition de la directive écoulé, les décisions administratives individuelles doivent au besoin s’écarter de la règlementation nationale. L’autorité administrative ne peut toutefois s’affranchir pour se faire des règles de compétence constitutionnelles.
En l’espèce, facteur aggravant qui à mon sens entre dans le cadre du principe de précaution au sens de la charte de l’environnement (le tribunal n’en souffle mot et il faut dire qu'aucun moyen n'était soulevé en rapport au principe de précaution), le tribunal relève que l’autorisation aurait d’autant plus du contenir des prescriptions relatives à la transmission périodique d’un rapport sur les résultats de la dissémination que « le dossier de demande d’autorisation faisait état du développement possibles de rejets sur les porte-greffes transgéniques et prévoyait leur élimination durant une période de 10 ans suivant la fin de la dissémination ».
Un grand merci à Arnaud Gossement, qui a assuré la défense de France Nature Environnement et publié le jugement sur son site.
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