Au titre de la légalité externe du décret, les requérants reprochaient tout d'abord au pouvoir règlementaire d'avoir empiété sur la compétence du législateur. En effet, depuis la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, la charte de l'environnement a valeur constitutionnelle. Et cette charte réserve au législateur le soin de fixer les conditions et les limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Or, nous précise le Conseil d'État, ne relèvent du pouvoir réglementaire, depuis leur entrée en vigueur, que les mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur ; que, toutefois, les dispositions compétemment prises dans le domaine réglementaire, tel qu'il était déterminé antérieurement, demeurent applicables postérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes, alors même qu'elles seraient intervenues dans un domaine désormais réservé à la loi.
Tel était bien le cas de ce décret, pris après l'entrée en vigueur de la charte. Dès lors, toutes les dispositions relatives aux conditions et les limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Et non du pouvoir réglementaire (du décret)
Tel était le cas, pour le Conseil d'État, des dispositions qui, d'une part, définissent les éléments devant figurer dans la fiche d'information du public et, d'autre part, prévoient les conditions dans lesquelles certaines informations transmises par le demandeur de l'autorisation peuvent rester confidentielles. Elles auraient du être prises par le législateur, et non par le gouvernement, par décret. les articles concernés sont annulés de ce fait. En revanche, les éléments relatifs à la procédure d'autorisation ainsi qu'à la surveillance et au contrôle des opérations relevaient bien du pouvoir règlementaire.
Il est intéressant de noter que le Conseil d'Etat rejette l'argumentation gouvernementale, qui s'appuyait sur l'article L125-3 du code de l'environnement pour considérer qu'il était autorisé à prendre les mesures en cause par décret. Mais le juge considère au contraire que la charte de l'environnement a implicitement mais nécessairement eu pour effet d'abroger ses dispositions :
Considérant, en premier lieu, que l'article L. 125-3 du code de l'environnement dispose que : Toute personne a le droit d'être informée sur les effets que la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés au sens du titre III du livre V peut avoir pour la santé publique ou l'environnement, dans le respect de la confidentialité des informations protégées par la loi. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles l'autorité administrative assure l'information du public sur les effets que la dissémination volontaire peut avoir pour la santé publique ou l'environnement. Ce décret détermine également les obligations qui peuvent être imposées à ce titre au détenteur de l'autorisation, notamment en ce qui concerne la prise en charge de tout ou partie des frais correspondants ;
Considérant que ces dispositions, issues de la loi du 13 juillet 1992, ne sont pas, en tant qu'elles renvoient au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de l'information du public sur les effets de la dissémination volontaire, compatibles avec les exigences rappelées ci-dessus de la Charte de l'environnement, dès lors que celles-ci ont précisément pour objet, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de réserver au législateur cette définition ; qu'ainsi l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a implicitement mais nécessairement eu pour effet de les abroger ; que, par suite, le ministre ne peut utilement invoquer ces dispositions législatives pour justifier la compétence du pouvoir réglementaire pour définir les conditions et limites de l'information du public sur la dissémination des organismes génétiquement modifiés ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret, d'une part, les requérants reprochaient au pouvoir réglementaire d'avoir violé la directive européenne 2001/18/CE du 12 mars 2001 de ne pas avoir prévu de système d'indemnisation des dommages résultant des atteintes à l'environnement pouvant résulter des produits ayant fait l'objet d'une dissémination. Mais en réalité, ce moyen était inopérant, car la fixation de ce système d'indemnisation incombait au législateur. De sorte que si ce grief était par hypothèse fondé concernant la loi de transposition, il ne pouvait être reproché au pouvoir règlementaire ce que n'avait pas prévu le législateur. Le même moyen est rejeté comme étant inopérant en ce qui concerne le reproche de ne pas avoir prévu que prévoir que les résultats de la dissémination mentionné par l'article 17 du décret seront rendus public. Idem pour toute information relative à la localisation de la dissémination transmise par l'entreprise qui demande une autorisation...
Tous les moyens de l'égalité interne soulevés contre le décret sont donc rejetés comme inopérants.
Il est intéressant pour conclure de noter que le Conseil d'État fait une nouvelle application de la possibilité qu'il s'est donné d'aménager dans le temps les annulations qu'il prononce. En principe, l'annulation d'un acte administratif est rétroactif : il est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, pour le Conseil d'État, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation.
En l'espèce, il a considéré à juste titre nous semble-t-il que les conséquences d'une annulation immédiate et rétroactive étaient manifestement excessives notamment au regard de l'exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires. Dans ces conditions, il fixe les effets des annulations qu'il prononce au 30 juin 2010. Rien ne nous dit dès lors que la législateur pourra reprendre à son compte les dispositions annulée pour un simple motif de compétence...