mercredi 26 août 2009

Le décret sur la dissémination volontaire des OGM partiellement annulé

Je viens d'apprendre, par l'intermédiaire de Rue 89, que le Conseil d'État, par un arrêt du 24 juillet dernier, a mis a mal le décret n° 2007-358 du 19 mars 2007 "relatif à la dissémination volontaire à toute autre fin que la mise sur le marché de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés".

Au titre de la légalité externe du décret, les requérants reprochaient tout d'abord au pouvoir règlementaire d'avoir empiété sur la compétence du législateur. En effet, depuis la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, la charte de l'environnement a valeur constitutionnelle. Et cette charte réserve au législateur le soin de fixer les conditions et les limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Or, nous précise le Conseil d'État, ne relèvent du pouvoir réglementaire, depuis leur entrée en vigueur, que les mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur ; que, toutefois, les dispositions compétemment prises dans le domaine réglementaire, tel qu'il était déterminé antérieurement, demeurent applicables postérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes, alors même qu'elles seraient intervenues dans un domaine désormais réservé à la loi.

Tel était bien le cas de ce décret, pris après l'entrée en vigueur de la charte. Dès lors, toutes les dispositions relatives aux conditions et les limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Et non du pouvoir réglementaire (du décret)

Tel était le cas, pour le Conseil d'État, des dispositions qui, d'une part, définissent les éléments devant figurer dans la fiche d'information du public et, d'autre part, prévoient les conditions dans lesquelles certaines informations transmises par le demandeur de l'autorisation peuvent rester confidentielles. Elles auraient du être prises par le législateur, et non par le gouvernement, par décret. les articles concernés sont annulés de ce fait. En revanche, les éléments relatifs à la procédure d'autorisation ainsi qu'à la surveillance et au contrôle des opérations relevaient bien du pouvoir règlementaire.

Il est intéressant de noter que le Conseil d'Etat rejette l'argumentation gouvernementale, qui s'appuyait sur l'article L125-3 du code de l'environnement pour considérer qu'il était autorisé à prendre les mesures en cause par décret. Mais le juge considère au contraire que la charte de l'environnement a implicitement mais nécessairement eu pour effet d'abroger ses dispositions :

Considérant, en premier lieu, que l'article L. 125-3 du code de l'environnement dispose que : Toute personne a le droit d'être informée sur les effets que la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés au sens du titre III du livre V peut avoir pour la santé publique ou l'environnement, dans le respect de la confidentialité des informations protégées par la loi. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles l'autorité administrative assure l'information du public sur les effets que la dissémination volontaire peut avoir pour la santé publique ou l'environnement. Ce décret détermine également les obligations qui peuvent être imposées à ce titre au détenteur de l'autorisation, notamment en ce qui concerne la prise en charge de tout ou partie des frais correspondants ;

Considérant que ces dispositions, issues de la loi du 13 juillet 1992, ne sont pas, en tant qu'elles renvoient au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de l'information du public sur les effets de la dissémination volontaire, compatibles avec les exigences rappelées ci-dessus de la Charte de l'environnement, dès lors que celles-ci ont précisément pour objet, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de réserver au législateur cette définition ; qu'ainsi l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a implicitement mais nécessairement eu pour effet de les abroger ; que, par suite, le ministre ne peut utilement invoquer ces dispositions législatives pour justifier la compétence du pouvoir réglementaire pour définir les conditions et limites de l'information du public sur la dissémination des organismes génétiquement modifiés ;

En ce qui concerne la légalité interne du décret, d'une part, les requérants reprochaient au pouvoir réglementaire d'avoir violé la directive européenne 2001/18/CE du 12 mars 2001 de ne pas avoir prévu de système d'indemnisation des dommages résultant des atteintes à l'environnement pouvant résulter des produits ayant fait l'objet d'une dissémination. Mais en réalité, ce moyen était inopérant, car la fixation de ce système d'indemnisation incombait au législateur. De sorte que si ce grief était par hypothèse fondé concernant la loi de transposition, il ne pouvait être reproché au pouvoir règlementaire ce que n'avait pas prévu le législateur. Le même moyen est rejeté comme étant inopérant en ce qui concerne le reproche de ne pas avoir prévu que prévoir que les résultats de la dissémination mentionné par l'article 17 du décret seront rendus public. Idem pour toute information relative à la localisation de la dissémination transmise par l'entreprise qui demande une autorisation...

Tous les moyens de l'égalité interne soulevés contre le décret sont donc rejetés comme inopérants.

Il est intéressant pour conclure de noter que le Conseil d'État fait une nouvelle application de la possibilité qu'il s'est donné d'aménager dans le temps les annulations qu'il prononce. En principe, l'annulation d'un acte administratif est rétroactif : il est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, pour le Conseil d'État, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation.

En l'espèce, il a considéré à juste titre nous semble-t-il que les conséquences d'une annulation immédiate et rétroactive étaient manifestement excessives notamment au regard de l'exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires. Dans ces conditions, il fixe les effets des annulations qu'il prononce au 30 juin 2010. Rien ne nous dit dès lors que la législateur pourra reprendre à son compte les dispositions annulée pour un simple motif de compétence...


mardi 18 août 2009

Le piratage du site internet d'un candidat aux municipales

Dans cette affaire jugée le 29 avril dernier, le Conseil d’État a jugé que l’usurpation d’une qualité professionnelle par un candidat, mais aussi et surtout que le piratage d’un site internet d’une liste concurrente constituent des manœuvre qui, compte tenu du faible écart des voix, ont altéré la sincérité du scrutin. En conséquence, le juge a confirmé l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées à Gaude lors des dernières municipales de 2008.

Il est intéressant de noter que le tribunal administratif de Nice avait retenu à tort une troisième motif, à savoir la divulgation de fausses informations sur le soutien d’une liste éliminée au premier tour. Mais compte tenu du très faible écart de voix (4 voix de plus pour le gagnant), le Conseil d’État a considéré que les deux motifs précédents suffisaient pour affecter la sincérité du scrutin. Et il est vrai que l’utilisation de l’internet dans les campagnes électorales allant croissant, l’intrusion dans un site internet, constituant par ailleurs une infraction pénale, peut avoir des effets réels sur le résultat des élections et leur issue.

En ce qui concerne le piratage du site internet, motif qui, à notre connaissance, constituait une première, il s’agit de la modification de son contenu, le fonctionnement du site n’étant redevenu normal que tardivement. Surtout, ce qui est classique en matière de contentieux électoral, le fait que ce n’est pas un membre de la liste gagnante qui ait été responsable de l’intrusion, que le chef de file de cette liste n’en était ni l’instigateur, ni le complice n’a eu aucune incidence sur la solution du litige. Il suffit en effet que les manœuvres en cause ont été réalisées au préjudice d’une liste…

samedi 15 août 2009

Le tribunal administratif de Marseille suspend la retenue du traitement d'enseignants désobéisseurs

le journal en ligne Médiapart, reprenant ici les informations du nouvel obs, explique que le tribunal administratif a suspendu la "sanction financière" pour service non fait frappant deux enseignants désobéisseurs pour avoir refusé d'appliquer les deux heures de soutien hebdomadaire prévues par le ministère.

En réalité, la retenue du traitement pour service non fait n'est pas une sanction disciplinaire. Il y a une règle fondamentale dans la fonction publique, c'est le paiement (du traitement) après service fait. Pas de service fait (en tous les cas pour un motif qui n'est pas jugé légitime) pas de traitement...La sanction disciplinaire peut venir en plus de la suspension du traitement.

Dans cet article de Louise Fessard, il est précisé que "la décision du juge des référés est fondée sur le fait que l’administration ne peut reprocher à un fonctionnaire un service non fait, tant qu’elle n’a pas précisé elle-même les modalités de ce service, en l'occurrence l'«aide personnalisée».

A mon sens, l'administration ne peut en tout état de cause reprocher un service non fait pour des enseignants qui travaillent, mais ne font pas exactement ce qui leur est demandé (en plus 3 mois de traitement pour deux heures par semaine, cela est aberrant).

Il ne s'agit en effet pas de service non fait, mais de manquement à l'obligation d'obéissance. Il s'agit d'une faute pouvant donner lieu à sanction, mais justement, comme je l'explique plus haut, la retenue du traitement pour service non fait n'est pas une sanction disciplinaire. Les sanction sont limitativement déterminées par les textes : nulla paena sine lege. Et si l'administration veut sanctionner ce manquement (à l'obligation d'obéissance) elle doit le faire de façon proportionnée à la faute.

Le motif de suspension retenu par le tribunal administratif de Marseille est en fait très intéressant dans le cas de poursuites disciplinaires pour manquement à l'obligation d'obéissance : on ne peut reprocher une insubordination à des fonctionnaires si la teneur des obligations qu'ils doivent suivre n'est pas clairement déterminée. Voilà qui pourrait faire jurisprudence, si toutefois il était vérifié que les modalités du service n'avaient pas été précisées par l'administration...

On apprend aussi dans la "boîte noire" de l'article que Le ministère de l'éducation nationale n'a lui pas souhaité réagir car «on ne commente pas les décisions de justice».

Que font les juristes à longueur de temps si ce n'est commenter et critiquer des décisions de justice ? Cela n'a rien à voir avec l'article 434-25 du code pénal qui réprime le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance. Encore, cet article du code pénal prend soin de préciser qu'il ne s'applique pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision.

jeudi 6 août 2009

La mutation d'un agent public n'est pas constitutive d'une situation d'urgence

C’est ce qu’a précisé le Conseil d’Etat dans une ordonnance du 28 juillet que l’on trouve sur son site. Il s’agissait pour procureur général de contester par la voie du référé suspension formé à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir sa mutation comme avocat général à la cour de cassation.

en l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence ; que notamment, compte tenu des conditions dans lesquelles les magistrats qui occupent, comme M. ROBERT, des emplois hors hiérarchie du parquet, exercent leurs fonctions, une mutation ne porte pas, en principe, à leur situation une atteinte d’une gravité telle qu’il en résulte une situation d’urgence ; qu’aucune circonstance particulière à la situation de M. ROBERT ne conduit, en l’espèce, à estimer que l’exécution du décret dont la suspension est demandée porterait à ses intérêts une atteinte qui révèlerait une urgence ;

Sans doute que par circonstances particulières, le Conseil d’Etat réserve par exemple le cas d’une sanction déguisée.

De façon assez curieuse, le requérant estimait à la fois que les conditions de saisine étaient à la fois constituvive d’une situation d’urgence et présentait un doute sérieux quant à la légalité de la mutation.Ici, le Conseil d’Etat ne se prononce que sur l’urgence alléguée, qu’il rejette.

Le juge reste toutefois saisi du recours pour excès de pouvoir.

En principe, la mutation d’un fonctionnaire ne fait pas grief et ne peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. il s’agit d’une simple mesure d’ordre intérieur. Il n’en est différemment finalement que si la mutation entraîne des conséquence sur le situation personnelle de l’agent ou un changement de résidence qu’une telle mesure exige d’une part la saisine préalable de la CAP et d’autre part la communication du dossier personnel (lire ce commentaire de jurisprudence). Mais les membres du parquet sont bien entendu dans une situation différente de celles des autres fonctionnaires.