Si nous en croyons Le Monde.fr dans
cet article, le gouvernement s'apprêterait à résilier 50 millions de doses de vaccin sur les 94 millions qu'il a commandé aux laboratoires pharmaceutiques. Le calibrage des commandes avaient été effectué sur la base d'une vaste campagne de vaccination de la population avec possibilité d'injection de deux doses par personnes vaccinées. Le virus de la grippe H1N1 s'avérant pour le moment moins virulent que prévu, les autorités françaises se retrouvent avec des doses de vaccin dépassant largement les besoin, créant d'ailleurs un début de polémique. Cette résiliation partielle de la commande initiale génèrerait une économie de plus de 350 millions d'Euros. Pas négligeable en soit, mais une goutte d'eau dans l'accumulation préoccupante des déficits publics. En effet, selon L'INSEE, la dette publique brute s’établit à 1 457,4 Mds€ (lire l'article sur
le site de l'institut, ainsi que celui de Laurent Mauduit, dans Médiapart).
"Ces commandes n'avaient été ni livrées ni payées, elles sont donc résiliées", selon Mme Bachelot. Mais tout cela est un peu cavalier et ne répond pas aux exigences juridiques car les cocontractants de l'administration ont tout de même des droits à faire valoir. la réalité risque donc d'être différente de celle qu'affirme la ministre. Mais quelles sont le possibilités de résiliation à la disposition des pouvoirs publics. En droit administratif, qui concerne les administrations dans les relations avec les particuliers, personnes physiques et personnes morales, il en existe 3. Écartons d'emblée l'hypothèse de la résiliation pour faute. Aucune faute contractuelle ne peut être reprochée aux laboratoires dans la livraison des doses de vaccin ou dans les vaccins eux-mêmes. Restent donc les hypothèses de la résiliation unilatérale et de la résiliation amiable.
La résiliation unilatérale constitue une prérogative de puissance publique à la disposition de l'administration dans tout contrat administratif. Même si elle n'y est pas expressément habilitée dans le contrat qui la lie avec son cocontractant, l'administration peut mettre unilatéralement fin au contrat pour tout motif d'intérêt général. En l'espèce, nous somme bien en présence d'un contrat administratif. En effet, la commande de doses de vaccins par l'État pour des motifs de santé publique constitue un marché public de fournitures. Selon l'article 2 du code des marchés publics "les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services". Et l'État est bien entendu un "pouvoir adjudicateur". Enfin, les marchés publics constituent des contrats administratifs par détermination de la loi. Cependant, étant donné qu'aucune faute ne peut être reprochée aux laboratoire, cette résiliation leur ouvre droit en principe à l'indemnisation du préjudice qu'ils pourraient subir de cette résiliation. Dans ce cas, le préjudice est constitué par le bénéfice dont ils seraient privés par cette résiliation ainsi que le coût de la production des vaccins. Cela étant, si la résiliation leur permet de revendre les doses surnuméraires à d'autres pays au même prix, le préjudice serait alors réduit, voire même, inexistant.
Les pouvoirs publics peuvent aussi s'engager dans la voie de la résiliation amiable. Dans ce cas, la résiliation prend la forme d'un avenant au contrat initial, qui réduirait alors la voilure. C'est l'hypothèse la plus favorable pour l'administration, car elle élimine tout risque contentieux du fait de la résiliation elle-même. Toutefois, l'avenant devrait en principe régler le sort d'éventuels préjudices, et de leur indemnisation. Sinon, il s'agirait, pour les laboratoires, d'un abandon de créances. Et selon les cas, les abandons de créances peuvent être qualifiés d'actes anormal de gestion, et taxés comme tels, voire, comme un abus de bien social. Hypothèse peu vraisemblable tout de même, dans la mesure où on peut considérer que les laboratoires, qui ont des liens étroits avec les pouvoirs publics, ont intérêt à consentir des avantages au pouvoir public. L'abandon de créance hypothétique devrait donc pouvoir aisément entrer dans l'objet social des entreprises concernées.
Cependant, en tout état de cause, il paraît tout de même prématuré voir périlleux d'affirmer qu'une économie de 350 millions d'euros va être réalisée du fait de la résiliation d'une partie des commandes de doses de vaccins. D'autant plus que les laboratoires semblent avoir appris cette résiliation en même temps que le public. Ainsi, si l'ont en croit laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), il se dit "prêt à rediscuter" avec le gouvernement français le contrat portant sur la livraison de ces 50 millions de doses de vaccin. "Dans le contexte actuel, s'il y avait une demande du gouvernement, nous sommes prêts bien sûr à rediscuter du contrat que nous avons signé ensemble". Et la laboratoire suisse Novartis indiquait pour sa part ne pas être "en phase de renégociations avec la France".